Epilogue
L’existence humaine diversifie ses figures comme l’élément liquide, si polymorphe : déluges embourbant des sites livrés à l’imprudence, humeur colérique de la Nature maltraitée ; Danube creusant son lit dans les Carpathes, défi des Portes de Fer ; flux marin de retour sur les rivages hantés par l’attraction lunaire ; marécages géorgiens où s’égarent des barques à l’ombre d’immenses cyprès, sous-bois aquatiques, fleuris de nénuphars blancs, mais infestés d’alligators ; vapeur abstraite des gorges du Zambèze, irisée par le soleil ; Gange sacré, joie des innombrables pèlerins sur les marches de Bénarès ; Yukon si paresseux qu’il attend que l’érosion coupe ses méandres à travers la plaine ; écoulement soumis à l’épreuve d’un gigantesque dénivelé qu’il franchit par un saut spectaculaire et fracassant ; vaste nappe dans un désert sinistre, mer Morte dont l’hypersalinité anéantit toute vie ; fontaines élégantes que disciplinent des dieux en bronze, jets et cascades pour le plaisir des yeux ; lacs et ruisseaux créés dans un parc à l’anglaise, ruse de paysagiste ; fleuve retenu qu’assagit son bassin, puissance hydraulique paradoxalement transformée en énergie électrique.
On dit que l’eau réussit toujours à passer ; qu’à son instar le moi trouve son chemin.