Postface

    « On sort plus aisément d’un livre que d’un spectacle, — quoique l’auteur, alourdi de scrupules, se libère moins facilement que le lecteur…
  — Au théâtre, le retour applaudi de tous les personnages, alignés sur la scène, les présente et les révère à la fois comme acteurs ; il permet au public de reprendre pied dans le réel, en manifestant sa propre position. Une table des matières vous arrête par un rappel trop froid.
  — Et qui poursuit sa lecture jusqu’à ne pas omettre la liste des chapitres ?
  — Appelée symétriquement par une préface, une postface devrait creuser le recul. On a tort d’écrire la première sans la seconde.
  — Un écart temporel est nécessaire au rédacteur, quel qu’il soit. Or le livre a déjà fait son chemin dans le monde, bien ou mal, et plus personne ne songe à sa clôture. Le corps central du texte peut aussi avoir pivoté sur lui-même, rendant superflues toutes les annexes, — encore qu’il faille affranchir le destinataire d’une relecture.
  — Si un épilogue est utile parce qu’il informe d’événements survenus après coup, une postface court le risque de répéter ce que l’on sait, faute de le compléter.
  — Et son pire écueil est la chute du ton. Il s’agit de redescendre et non de tomber.
  — Oui, la voix devrait s’éteindre comme la lumière contrôlée par un interrupteur progressif. Finesse délicate à mettre en œuvre !
  — Peut-être convient-il de céder tout doucement la parole… »